Petit rien

Publié le par ulfasso

Un instant là, l’autre ici vous ne me verrez pas. Je suis invisible, je suis impalpable. Ce que je fais n’a absolument aucune incidence. Je  peux bien mourir demain que le monde ne s’arretera pas de tourner. Je peux bien m’évanouir dans l’espace que ca n’empêchera pas ces enfants de jouer au ballon. On se rend compte de ca quand on a perdu toute attache, quand on sait qu’au final tout n’est que poussière du même univers.

-   Est-ce que tu m’aimes ?

-   Je ne sais pas. et si je le savais, qu’est-ce que cela changerait ? Nous ne sommes rien du tout. Toi, moi…que pourrions-nous bien vouloir dire ?

-   Tu comptes pour moi. tu es important à mes yeux.

-   Et que sais-tu de ces yeux ? disent-ils la vérité ? non, je ne pense pas que je puisse être important pour quelqu’un. Alors je te le dis,  arrêtons-là ce n’est que pure perte de temps. Non ?

Et puis donc elle est partie, sanglotant que je ne saurais jamais aimé. J’ai pensé que c’était sans doute vrai mais qu’après tout par rapport au fait que l’univers va s’effondrer sur lui-même, c’était bien peu de choses.

Elle m’a rappelé cependant. Quelques jours après cet étonnant épisode. Elle me dit :

-   Je veux t’aider. T’aider à aller mieux. A croire en quelque chose.

Je crois qu’elle voulait me donner envie d’avoir envie de quelque chose. Ou un truc comme ca. C’était pas clair. Gentil, mais pas clair…

-   Laisse moi te montrer des choses qui valent le coup.

Et c’est à ce moment là qu’elle m’a pris la main. Sa peau était délicate et douce, et étonnamment fraîche pour un mois de juillet. On s’est envolés. Véridique. Comme deux oiseaux étranges. Un petit avec une robe en soie à fleurs et un grand dégingandé avec un short cargo et une seule tongue.

On a vu pleins de trucs. La Taj Mahal, des champs de rose, des chevaux courir dans l’eau dans le sud de la France. On a fait la course avec des flamands rose. On a perdu. J’ai manqué de me cogner la tête sur l’Everest et j’ai perdu ma dernière tongue quelque part entre Jakarta et Calcutta. Je pense pas que je la retrouverai.

Et puis on est redescendu. Elle m’a lâché la main, ses joues rosées par l’altitude. L’émotion aussi peut-être.

-   Victor, je t’aime. Et tu m’es plus important que tout ce qu’on vient de voir.

Pieds nus, je regardai vaguement le ciel. Et au-delà l’espace, les étoiles, le vent cosmique, les astéroïdes. Le froid interstellaire. Le vide. Néant.

Finalement, elle est repartie. Et je suis resté là, absorbé par le rien du tout qui caractérise notre monde. Qui me caractérise.

Victor tu n’es rien, ai-je pensé, alors vis comme si rien n’était important. Car rien ne l’est jamais vraiment. Rien.

Publié dans moonbeam

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