Le départ
- Ce matin je me suis réveillé et me suis dit que tout était fini.
- Oui, toi, moi, la maison, le chat. Tout.
« Et pourquoi donc ce matin ? les matins ne sont-ils pas tous pareils ?
- Si, justement. Ils le sont tous. Les uns après les autres.
« Le jour de notre anniversaire…c’est triste
- Que veux-tu ce n’est qu’une coïncidence du calendrier.
« Parce que tu l’avais planifiée ?
- Non bien sûr que non. Je dis juste qu’il s’agit là d’une malheureuse plaisanterie de la vie. J’ai dit ça mais en fait j’aurais pu dire autre chose.
- Je ne sais pas. Que le ciel est clair ou que le soleil est haut. Par exemple.
« Tout ceci n’a aucun sens.
- Je suppose que je vais me lever, que tu vas rester encore un peu au lit. Que peut-être tu pleureras, que je vais prendre ma douche, éventuellement me laver les cheveux…déjeuner et partir. Tu vois, nos matins se ressemblent tellement que je peux les prédire.
- On n’en a jamais eu…où veux-tu en venir ?
« Et bien je me dis que mes parents seront déçus que nous n’en ayons pas.
- Tes parents ne sont jamais contents. Il leur faut voir le bon côté des choses : ils n’auront pas à me faire de cadeaux à Noël cette année.
- Vu la tapisserie dans leur salon, tu m’excuseras de ne pas le prendre comme un compliment.
« Je me demande comment je vais leur annoncer.
…………………………………………………………………………………..le froissement des draps, le ronflement de la douche, des chaussures cirées sur un parquet, une cuillère dans un bol. Une porte qui claque délicatement.
Un rayon de soleil traverse les persiennes et vient mourir sur le galbe d’un sein secoué par des pleurs. Doucement je promène mes pattes sur le sol de bois. D’où je suis, je ne vois qu’un drap qui dépasse. Sous le lit une pantoufle négligemment jetée. Et puis elle se lève. Elle traîne une tristesse qui fait peine à voir un matin de printemps. Elle enfile une robe de chambre, arrête sa silhouette dans le cadre de la porte, un bras appuyé comme pour tenir le mur. Je monte sur le lit encore chaud de leurs deux corps et lentement m’endors.