...suite...
Au loin, le pont apparut, le fleuve en dessous s’écoulait paisiblement. C’était là la première fois qu’il le voyait après l’avoir tant cherché. Le vieil homme au village de Mino n’avait pas menti. Des ombres se détachèrent de la structure de bois. Il distinguait quatre hommes de moyenne stature et un cinquième plus petit, une femme ou peut-être un enfant. Les quatre individus étaient en train de malmener la frêle silhouette et il ne faisait aucun doute que cela ne tarderait pas à mal finir. Ce n’était nullement ses affaires, de plus il était déjà grandement en retard il ne pouvait se permettre de perdre son temps. Alors que le pont s’affirmait sur l’horizon, il vit que l’enfant était un vieillard et que les quatre pillards, samouraïs de Yoshinobu comme l’attestait leurs écussons à fleurs de pruniers, tenaient à ce qu’il s’affranchisse d’un droit de passage.
Il s’avança sur le pont, les planches craquant sous ses pas. Arrivé à hauteur du groupe, il ralentit le pas et jeta un regard de biais aux samouraïs, méfiant de leurs réactions. C’est à ce moment là qu’un d’eux l’interpella :
«Hé le vagabond !! Tu ne nous as pas vu ou quoi ?! Tu dois payer pour passer ! Oh tu m’écoutes… »
Le guerrier le retint par l’épaule tout en sortant son katana. La lame fut à peine au jour qu’un éclair jaillit, tournoyant dans un sifflement bleuté. L’avant bras du samouraï était tranché. Ce n’est que lorsque le sabre heurta lourdement le bois, la main toujours agrippée à la garde, que le samouraï s’aperçut de ce qui venait de se passer. La douleur le foudroya, il s’écroula à genoux hurlant sa souffrance. Ses compagnons fixèrent la scène pendant quelques secondes hébétés. En face, Kyosuke, c’est ainsi qu’il s’appelait, se mit en garde pour les affronter. Il pointait la lame vers le sol, la plantant légèrement dans le bois du pont. Les samouraïs l’assaillirent d’une seule charge.
Le choc de la bataille retentit jusqu’aux oreilles des paysannes dans leurs rizières. Caché derrière un arbre, un enfant regardait les étincelles que faisaient les lames. Deux sabres volèrent, tourbillonnant dans l’air ; leurs propriétaires s’effondrèrent. L’un des samouraïs avait la gorge tranchée, l’autre s’était vu couper les jambes. Il allait se vider de son sang et mourir finalement si personne ne l’aidait, ce dont Kyosuke doutait. Le dernier guerrier avait résister à la contre attaque au prix d’un effort incroyable. Il restait là sur le pont fixant son adversaire, tremblant, affolé et ruisselant de sueur. Il se demandait ce qui allait se passer. Le temps pour lui avait ralentit, le spectre de la mort planait au-dessus du pont et il savait qui elle viendrait prendre s’il devait faire le moindre geste. L’entrejambe de son kimono s’assombrit. Son sabre s’affaissa lentement et lorsqu’il toucha par terre, il le lâcha et s’en fut, détalant d’un pas lourd et mal assuré. Ce fut ce qu’il fit de plus intelligent ce jour là. Kyosuke rengaina sa lame qui était déjà trop sortie pour ce jour puis commença à s’éloigner du pont de bois