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" La lune est rousse. Le vent dans la forêt de bambous fait frémir la nuit d’un murmure quasi-indicible. Le bois de la porte s’offre à mes yeux comme le couvercle d’un cercueil. Lentement, presque à mon insu, mes doigts se referment sur la pièce de métal permettant l’ouverture. Elle tourne dans un craquement qui retentit alentour, faisant s’envoler ça et là, de la cime des arbres, quelques corbeaux dans une cacophonie lugubre. L’intérieur n’est éclairé que par l’éclat de la lune qui siège là-haut dans le ciel. Tout ce sang. Sur les murs, les futons et les rares meubles qui rappellent qu’ici aussi fut la vie, un temps du moins. Les cadavres de ma sœur, Yumi, de ma mère et de mon père gisent à l’endroit où leurs bourreaux les ont trouvés. La tête de mon père, se noyant dans son propre sang, est tombée non loin de son corps. Elle porte sur moi un regard plein d’effroi, ses yeux semblent me confondre avec leur assassin. Son visage n’a plus rien de noble.

            Derrière moi, un éclair. La lueur d’une lame. Je ne puis me retourner, l’attaque est trop vive. L’horrible sensation du métal, froid, qui pénètre mes reins ; puis celle du sol, dur et chaud, qui s’est étonnamment rapproché. Le bruit étouffé de mon corps qui s’effondre ne parviendra pas aux oreilles de mon agresseur, il est déjà parti expier ses fautes. Dehors, de la fenêtre je peux voir la lune qui de sang se recouvre et du visage de mon père prend la forme.