Chronique ordinaire - 1 -

Publié le par ulfasso

Il sentait la Gitane froide et les cacahuètes des PMU. Il ne sortait jamais sans son survêtement bleu Le Coq Sportif, que son fils lui avait offert à Noël.

Au pied de sa barre HLM, toujours le même régime : un petit blanc en lisant, un Ricard en racontant des histoires et un demi. Le tout avant midi.
Le brouillard épais de la fumée des cigarettes au maïs, les voix rugueuses et les visages cassés par l'alcool, la désillusion et l'ennui. Celui qui réussit ici, c'est celui qui gagne au Deux contre Quatre.

Entre le zinc du comptoir et le bois du chambranle de la porte on oublie femmes et enfants ; on oublie le FISC et le RMI ; on oublie les flics et les voitures qui brûlent ; on oublie qu'ici, on y est venu d'Algérie, du Maroc et de Tunisie ; on oublie qu'ici tout est gris, même les yeux des enfants.
Il sent la lâcheté et le désespoir de ceux qui ont abandonné. Il sent la mauvaise Eau de Cologne et le Pétrole Hahn. Il sent la tristesse qui pisse sur les murs que la pluie inonde de béton.

Les cages d'escaliers, d'ascenseurs, de ciment et d'acier. Le changement n'a de place ici qu'au travers des bâtons de dynamite qui désossent les tours inanimées. L'espoir ne dépasse pas la rosée du matin et la lucarne de la télé. Le rêve se trace la ligne blanche des terrains de foot, ou la Carte Bleue Visa sur des tables basses de chez Ikea. Il n'y a que les bus et la drogue pour vous emmener loin de tout ça où chacun aspire et espère fuir.

Mais le lundi matin, le PMU est ouvert et on s'y assomme pour ne pas se dire que finalement rien ne change.

Publié dans moonbeam

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